Bravant le froid hivernal qui régnait ce soir là sur la ville, nous fûmes deux à quitter notre rue et nous nous vîmes plus de trois cents qui arrivâmes à bon port. Cahin-caha, les pensionnaires avaient déserté leur maison d’accueil et les adhérents de divers clubs délaissé leurs feuilletons télévisés préférés. Le théâtre se remplit rapidement, l’exactitude est la politesse des vieux.
Le murmure sourd qui régnait dans cet antre de la culture fit place à des applaudissements posés quand les acteurs entrèrent sur une scène au décor sobre d’un jardin bourgeois : quatre chaises de métal blanc posées autour d’une table assortie sur une verte pelouse, quelques hautes plantes qu’ornaient le côté roi symbolisaient l’entrée d’une orangeraie. De notre place au balcon, la vue plongeante nous permit d’apprécier le jeu des acteurs sans toutefois pouvoir discerner leurs mimiques, désagrément relatif car leurs répliques et leurs postures nous les faisaient deviner. Le public fut bon, les rires de bon aloi car les acteurs semblaient encore transis par leur passage dans les coursives sans doute peu chauffées, il n’y faisait certes pas « 29 degrés à l’ombre ».
C’est sans doute la mise en scène qui fit que les applaudissements ne jaillirent que bien après que les acteurs eurent quitté la scène, à moins que le public gallo soit moins au fait des coutumes théâtrales de la capitale.
La deuxième pièce compensa le manque de vigueur de la précédente. Les acteurs avaient pu se réchauffer, l’intrigue pourtant de la même teneur que la précédente était plus pétillante. Les rires poignaient au rythme des bonnes répliques, des actions, des cris, des sorties et des entrées, des vases qui s’éclataient sur le sol, des intrigues, enfin tout ce qui fait un bon théâtre de boulevard, ce pourquoi les spectateurs étaient venus.
Et ce furent de chauds applaudissements, ceux-là tombés à point nommé, qui remercièrent les acteurs de leur prestation mais ce ne fut point de villes et folles embrassades.
Lors des futures veillées, chacun se plaira de raconter à ses petits-enfants avoir vu « en vrai » des acteurs jusqu’ici seulement « vus à la télé » tout en se souvenant que la biche est parfois triste d’ennuis.