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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 12:56

       Parmi les commentaires entendus après la sinistre profanation des locaux de l’hebdomadaire « Charlie Hebdo », beaucoup émanant de fidèles tant musulmans que catholiques se résumeraient par cette prophétie lapidaire : « C’est normal parce qu’on n’a pas le droit de toucher au sacré ! ».

Inch’allah ! Ite misa est !

 

       Au nom de la défense des libertés religieuses, de grands prosélytes s’insurgeaient contre cette « une » sacrilège, laquelle était déclarée « contraire » à l’esprit « laïque » consubstantiel de notre République.

       Et de rappeler que ce journal impie déjà convaincu de blasphème en 2006 lors de la parution des caricatures de Mahomet fut poursuivi devant la justice.

       Les diverses manifestations organisées contre la présentation de la pièce de Roméo Castellucci, « le concept du visage du fils de dieu », recouvrent les mêmes invectives que l’on entend lors d’autres manifestations contre la liberté des femmes à disposer d’elles-mêmes, par exemple.

       La frénésie de ces logorrhées que les médias se complaisent à vulgariser à longueur de journaux dits « d’informations » m’en rappelle d’autres identiques qui avaient claironné en 2005 lors d’une campagne de publicité parodiant le tableau de Léonard de Vinci « La Cène ».

Plaintes avait été portées.

       Le Tribunal de Grande Instance de Paris ordonna la relaxe pour le journal satirique.

       Par contre, entérinant les arguties des avocats des plaignants reprochant aux créateurs « d’utiliser une scène sacrée à des fins mercantiles », un juge de notre République laïque oublieux qu’il était là pour rendre la Justice au nom du Peuple français qualifia l’affiche de Girbaud « d’injure faite aux chrétiens … », ordonna son retrait immédiat avec une astreinte de 100 000€ par jour de retard à compter du 3è jour suivant la signification.

       Heureusement pour l’Honneur de notre République laïque, la Cour de Cassation annula cet arrêt et débouta l’association plaignante.

       Si le procès de « Charlie Hebdo », sa relaxe et les premières condamnations de Girbaud occupèrent l’espace médiatique, la relaxe de ce dernier ne donna lieu à aucune annonce, laissant croire à la victoire des associations religieuses, ce qui ajoute encore à la confusion des genres.

 

      D’abord, confusion sur le sens du mot « laïque » : C’est la séparation des églises et de l’Etat, la non confusion entre sphère privée et sphère publique, la non-ingérence réciproque des églises dans les affaires de l’Etat. Elle garantit, pour chaque citoyen, le respect des croyances et la pratique des rituels tant qu’ils n’enfreignent pas la Loi. Elle est la garante de la liberté de penser et de s’exprimer.

Article X de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

 

Article I de la Constitution Française de 1958

« La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

 

       La « Laïcité », c’est la « tolérance », c’est le « respect de soi et des autres », c’est la « liberté de conscience », ce triptyque constituant le « vivre ensemble dans la fraternité ».

 

      Ensuite confusion sur le sens du mot « sacré ».

A les entendre, les croyants sembleraient avoir l’exclusivité de l’usage de ce mot. Il est normal que, dans chaque croyance, le fidèle déclare «sacrés » les écrits, les rites et rituels, les icones, les temples, les chants, … Et le blasphème n’existe que pour l’adepte qui transgresse un des principes qui fondent sa croyance. Par exemple, ne peut être considéré blasphématoire pour le chinois taoïste l’acte de manger de la viande un vendredi saint.

La valeur de ce « sacré » attribué aux croyances ne revêt donc pas ce caractère universel tant prétendu par certains.

Au nom du « sacré », le juge prétendait que Girbaud utilisait « une scène sacrée à des fins mercantiles ».

1/ La création même de cette œuvre fut « mercantile ». Elle fut l’objet d’un contrat entre son auteur et le commanditaire. Les nombreuses copies de ce tableau ne sont-elles pas tout autant des « injures faites » à l’originale ? Ceux qui les commercialisent ne seraient-ils pas aussi des parjures ?

2/ Le caractère « sacré » de ce tableau n’existe que pour les adeptes de cette croyance mise en scène. Un aborigène n’y verrait que des gens curieusement habillés partageant un repas.

3/ Ce tableau n’est que l’interprétation par un artiste d’un supposé moment d’une histoire relatée plusieurs décennies après son possible déroulement. Lui conférerait-on cette même valeur s’il avait été peint sur le mur d’un lupanar ou d’un stufa dont il est dit que Michel Ange et Léonard de Vinci étaient amateurs ?

 

Il en est de même pour tous les arts dits « sacrés ». Une musique n’est « sacrée » que pour le groupe social qui l’utilise pour ses rituels. Un « chant grégorien » sera justement apprécié comme musique profane par tout non croyant sans pour cela qu’il y ait sacrilège.

 

Oter le caractère sacré d’une œuvre musicale, écrite, peinte ou d’une construction ou d’un monument, … n’implique nullement un manque de respect de la part de tous les citoyens, y compris de ceux qui n’apprécient pas ces arts.

Je ne visite pas une chapelle, une église ou une cathédrale dans une tenue ou avec un comportement indécent.  Mais de la même manière, je rends visite à mes amis de manière « civilisée ». (On oublie que ces édifices ont longtemps servi de marché, de salle de réunion ou d’aire de jeux pour les enfants).

 

       La destruction des bouddhas géants de Bamiyan (Afghanistan) en mars 2001ne fut-elle pas commandée par des talibans pour cause "d'anti-islamisme" et présentée comme une "injonction de l'Islam"? (et ce n'est qu'un exemple, n'oublions pas les interdictions d'éditions d'œuvres littéraires ou philosophiques émanant de Rome...).Un état laïque, parce qu'il refuse toute idéologie dogmatique et est respectueux de l'Autre, se livre-t-il à de telles destructions volontaires de biens culturels ou à de telles censures? Ayant comme principe citoyen que n'existe aucune vérité révélée, le caractère « laïque » de notre République permet le respect de tous les concepts intellectuels, ce qui n'empêche aucunement leur critique.

 

       Que les actuelles victimes prétendues de persécutions se procurent « La République et l’Eglise », Images d’une querelle aux Editions La Martinière. Ils constateront que l’art de la caricature s’est édulcoré depuis un siècle au détriment des libertés de pensée et d’expression.

 

       Une manière pour notre République d’affirmer sa spécificité « laïque » serait la pratique de la discussion philosophique dès le Cours préparatoire. L’enfant apprendrait ainsi très tôt à tenter d’apporter ses réponses aux questions qu’il se pose. Ce long chemin vers la recherche de la Vérité, cette quête infinie vers la Sagesse participeraient d’une éducation spirituelle « laïque » du futur citoyen.

       L’enrichissement par la formation philosophique alliée à celles des sciences, de l’histoire, des arts et des lettres, loin d’être « anti croyance », permettrait certainement à ceux qui souhaitent appartenir à une croyance une autre approche symbolique de diverses allégories, dogmes et mythes qui ont engendré les cultes.

 

       Je conseillerai l’ouvrage de Sophie BOIZARD et Laurent AUDOUIN « Les grands philosophes parlent aux petits philosophes » (MILAN Jeunesse)

 

       La « laïcité » a ce caractère universel puisque tous les êtres quelles que soient leurs croyances, leurs philosophies, … peuvent s’y mouvoir en toute quiétude dans le strict respect de la Loi.

       A la différence d’une « République chrétienne » ou « islamique », une République Laïque ne permet pas que l’on incendie un local, que l’on lapide un être, que l’on mutile un corps, que l’on interdise une œuvre,… au nom d’une « croyance » ou d’une « non croyance ».

       Une République Laïque donne tout son sens à la maxime de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez vous exprimer. » C’est au(x) débat(s) ensuite de faire jaillir la vérité et de donner à chaque citoyen tous les éléments lui permettant de discerner ce qu’effectivement fourbissent ces idéologues prosélytes de tous dogmes (politiques, économiques, croyances,…).

       Dans une République Laïque, la Justice est au service du citoyen ou du groupe social qui s’estime persécuté ou bafoué. Et c’est parce qu’elle est « Laïque » que notre République protège également tous les citoyens.

 

       Son caractère universel fondé sur le respect mutuel, le respect de la dignité de chaque individu, le respect de la liberté de penser font que seule la « Laïcité » est véritablement « sacrée ».

 

Alors, « touchez pas à mon « sacré » nom de « laïcité » ! »

 

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