Des milliers de parisiens pris en otages !
Telle est l’information que je pensais avoir entendue en allumant mon poste et que je mettais en relation avec les nombreux cars de force de l’ordre que j’avais croisés en après-midi. Obligé de sortir de la pièce, je me mettais à gamberger.
J’imaginais ces femmes, hommes et enfants séquestrés, allongés face contre terre, leurs cris de détresse couverts par les vociférations des terroristes, des tirs d’armes automatiques se succédant aux explosions de grenades fumigènes, le sifflement des balles précédant le fracas des vitres brisées ... le hurlement des sirènes des véhicules de police se mélangeant à ceux des ambulances... Peut-être des blessés... certainement des victimes de malaises... des morts ? Je prenais soudain peur. Et si j’avais un proche, des parents, des amis parmi ces embastillés ? Surpris par cet égoïsme, je me ravise, toutes les angoisses, toutes les vies étaient d’égales valeurs. Je peste intérieurement contre ces hommes qui érigent la violence en doctrine ... Des victimisés qui martyrisent des innocents au nom d’idéal que ceux-ci pourraient peut-être partager. Toutes les religions nous serinent que nous sommes tous des Frères, qu’elles prônent l’Amour Universel... Ras le bol de ces sourates, de ces psaumes... Je maugrée... je peste... Et la Fraternité entre les Hommes, où est-elle cette Fraternité ? Elle qui n’a pas besoin ni de religions ni de livres, ni de prêtres ni d’imams pour exister... Je fulmine contre ces...
Mais qu’entends-je ?
Que vois-je ?
Sont-ce les « otages » qui vaquent ainsi librement à l’extérieur sans aucun cerbère !
Pensant être victime de déconnection de quelques synapses, je me secoue la tête, me frotte les yeux, met en œuvre mes auriculaires...
Grâce à la négociation ou/et l’intervention pacifique de nos Forces de l’Ordre, tout se termine dans le calme, sans aucun blessé.
Les micros se tendent, les caméras tournent...
« on nous prend en otage »...
« Y’en a marre... c’est à chaque fois qu’on est pris en otage... »
« Y’a pas de mois où je suis prise en otage... »
... Donc il y a bien eu prise d’otages... Mais par qui ?
Certainement par une nouvelle association révolutionnaire ultragauchiste anticapitaliste... ça jette un froid... euh ! ... elle s’appellerait S...U...D... !
Plus sérieusement, on peut comprendre le mécontentement de ces usagers qui ont trouvé fermées les portes de la gare St Lazare...
Mais alors, ...les "otages" étaient donc enfermés dehors!!!
Mais sont-ce les employés qui avaient clos la gare?
Eh bien, non, l'ordre était venu de la Direction de la SNCF qui, de fait, devenait "preneuse d'otages" et ce, à cause d'un mouvement de grève
déclenché après l'agression d'un cheminot... (La vie d'un homme vaudrait-elle donc moins qu'un train raté?)
Certes, ne pas pouvoir se rendre à son travail ou faire ses courses ou faire visite à un ami ou un proche ou aller dans une administration parce que le moyen de
transport fait subitement défaut ne peut qu’être exaspérant.
Même le provincial peut le comprendre.
Mais ce que le provincial comprend moins c’est le mot employé.
Chaque mot a un sens précis et je ne sais si « otage » est le mieux approprié... il suffirait d’interroger celles et ceux qui ont réellement vécu une prise d’otage.
En affaiblissant le sens d’un mot à force d’un usage inapproprié, on amoindrit aussi le statut qu’on revendique par l’utilisation de ce mot.
Un être pris en otage souffrira de lourdes et longues conséquences psychologiques qui nécessitent un suivi spécifique. Fut-il le cas de la gare St Lazare ?***
D’autre part, le citoyen s’étonnera toujours de la partition sociétale révélée par cet incident. Les victimes d’agression ou de conditions de travail s’opposent aux victimes de l’arrêt de travail provoqué par ceux-là.
Le même citoyen est effaré par le fait que des hommes politiques élus par le suffrage universel, dans une nation régie comme une démocratie représentative, puissent ainsi « régner » en réussissant à dresser les travailleurs les uns contre les autres. Comment peut-on ainsi bafouer le statut de citoyen ?
Les « grévistes » et les « usagers » sont ici les victimes d’un même système. Quand tous auront compris qu’il vaut mieux s’unir et être solidaires, nos représentants politiques et patronaux revisiteront l’interprétation des antiennes de leurs bréviaires libéralistes.
Chacun doit avoir conscience aussi que l’exploitation politique d’un tel incident pourrait se conclure par une restriction, présentée au nom de la liberté de chacun à se déplacer, des droits syndicaux et/ou citoyens chèrement acquis à coups de grèves et de manifestations unitaires, lesquels risquent de nous être d’une grande utilité dans un avenir proche.
P.S.a (en relation avec le lieu de son intervention): Monsieur le Président, vous avez, vous aussi, évoqué "cette prise d’otages" au cours de votre intervention à Vesoul. Je ne permettrais pas de mettre en doute votre appréhension et votre qualification de ce fait.
Une « prise d’otages » implique des « preneurs d’otages » lesquels, par l’application de notre Droit, risquent la prison à perpétuité.
Si tel n’est pas le cas,
cela suppose qu’il n’y a pas eu de preneurs d’otages
donc pas d’otages
et
donc une fausse allégation... présidentielle.
Otages! Ode des espoirs!
Oh! des tresses
ennemies!
P.S.b: Et si nous étions tous, ou presque tous, les otages d'un système politico-économique qui nous broie, nous déresponsabilise
et nous annihile insidieusement?
Attention de ne pas devoir changer les paroles de notre hymne:
"Aux larmes citoyens,..."
*** pas futile, mais sérieux... le cas de St Lazare!